Extraits de la préface à "Le dernier jour d'un condamné" écrite par Victor Hugo 1832

Publié le par LHEZ-MAKSYMOWICZ

Je commence la lecture de "Le dernier jour d'un condamné" et je m'arrête sur une préface que je ne connaissais pas de l'auteur, Victor Hugo. Je vais en écrire ici quelques extraits très significatifs. Elle vaut le coup d'être lue dans son entière écriture.On la trouve sur internet. 

 

" [...] L'échafaud est le seul édifice que les révolutions ne démolissent pas. [...] Si jamais révolution nous parut digne et capable d'abolir la peine de mort, c'est la révolution de Juillet. Il semble, en effet, qu'il appartenait au mouvement populaire le plus clément des temps modernes, de raturer la pénalité barbare de Louis XI, de Richelieu et de Robespierre, et d'inscrire au front de la loi l'inviolabilité de la vie humaine. 1830 méritait de briser le couperet de 93. 

Nous l'avons espéré un moment. Il y avait dans l'air tant de générosité, un tel esprit de douceur et de la civilisation flottait dans les masses. [...] Il nous sembla que la peine de mort était abolie de droit, d'un consentement tacite et unanime. "

Mais la tentative de légiférer fut une vaste hypocrisie, le but était de mettre à l'abri "quatre hommes du monde, quatre hommes comme il faut [...] : il est impossible d'envoyer à la Grève, dans une charrette, ignoblement liés avec de grosses cordes, dos à dos avec ce fonctionnaire qu'il ne faut pas seulement nommer, quatre hommes comme vous et moi. Encore s'il y avait une guillotine en acajou ! Hé ! il n'y a qu'à abolir la peine de mort ! [...] Ce n'est pas à cause de vous, peuple, que nous abolissons la peine de mort, mais à cause de nous,  députés qui pouvons être ministres. Nous ne voulons pas que la mécanique de Guillotin morde les hautes classes. Nous la brisons. [...] Il faut bien le dire aussi, dans les crises sociales, de tous les échafauds, l'échafaud politique est le plus abominable, le plus funeste, le plus vénéneux, le plus nécessaire à extirper."

Pour Victor Hugo, la peine de mort n'a de socle que celui, politique, de terroriser les faibles, les pauvres, voire de les éradiquer. 

"Si on l'avait proposée, cette souhaitable abolition, non à propos de quatre ministres tombés des Tuileries (lieu du pouvoir) à Vincennes (prison d'Etat) mais à propos du premier voleur de grands chemins venu, à propos d'un de ces misérables que vous regardez à peine quand ils passent dans la rue, auxquels vous ne parlez pas, dont vous évitez instinctivement le coudoiement poudreux; malheureux dont l'enfance déguenillée a couru pieds nus dans la boue des carrefours, grelottant l'hiver au rebord des quais, se chauffant au soupirail des cuisines de M. Véfour chez qui vous dînez, déterrant ça et là une croûte de pain dans un tas d'ordures et l'essuyant avant de la manger, grattant tout le jour le ruisseau avec un clou pour y trouver un liard, n'ayant d'autre amusement que le spectacle gratis de la fête du Roi et les exécutions en Grève, cet autre spectacle gratis;   

pauvres diables que la faim pousse au vol, et le vol au reste; enfants déshérités d'une société marâtre, que la maison de force prend à douze ans, le bagne à dix-huit, l'échafaud à quarante; infortunés qu'avec une école et un atelier vous auriez pu rendre bons, moraux, utiles et dont vous ne savez que faire, les versant, comme un fardeau inutile, tantôt dans la rouge fourmilière de Toulon (le bagne) tantôt dans le muet enclos de Clamart  (enfermement avant exécution) leur retranchant la vie après leur avoir ôté la liberté. Si c'eût été pour un de ces hommes que vous eussiez proposé d'abolir la peine de mort, oh! alors, votre séance eût été vraiment digne, grande, sainte, majestueuse, vénérable! En abolissant la peine de mort à cause du peuple et sans attendre que vous fussiez intéressés dans la question, vous faisiez plus qu'une oeuvre politique, vous faisiez une oeuvre sociale. 

Tandis que vous n'avez même pas fait une oeuvre politique en essayant de l'abolir, non pour l'abolir, mais pour sauver quatre malheureux ministres, pris la main dans le sac des coups d'Etat ! Qu'est-il arrivé ? C'est que comme vous n'étiez pas sincères, on a été défiant. [...] Vous jouiez une comédie, on l'a sifflée!"

Le procès des ministres eut lieu, leur vie fut épargnée par le verdict croit savoir Victor Hugo, donc plus nécessaire de tenter d'abolir la peine de mort ! Rideau... jusqu'à Jaurès en 1908, et son flamboyant discours... la peine de mort est maintenue  l'article premier de la loi sur la réforme judiciaire "les peines afflictives et infamantes sont 1° la mort... 330 voix pour, 201 contre. Pour arriver enfin à Badinter. 

La peine de mort fut abolie en France au début du septennat de François Mitte rrand, c'était une promesse de campagne... qui finalement ne lui a pas coûté l'élection : l'opinion était-elle en train de bouger ? La loi d'abolition, présentée par Robert  Badinter fut votée par 363 voix contre 117 le 18 septembre 1981. 

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